De la formation à la seconde main, les défis de Camille Kunz

05.06.2020
Les projets fourmillent dans la tête de Camille Kunz, nouveau directeur de l'Espace de formation EsFor de Caritas Genève et de l'ensemble du réseau vente de l'instiution. 
Après avoir piloté pendant huit ans le Service communication et recherche de fonds de Caritas Genève, Camille Kunz se lance dans un nouveau défi professionnel au sein de l’institution. Et pas des moindres ! A 40 ans, ce père de deux jeunes enfants dirige, depuis le 1er novembre 2019, le nouvel Espace de formation EsFor, fraîchement construit à Plan-les-Ouates, ainsi que l’ensemble d’un réseau de vente (boutiques, brocante, teinturerie, commerce équitable, etc.) en pleine mutation. Interview.

CARITAS: En quoi consiste le projet EsFor?
CAMILLE KUNZ: EsFor – pour Espace de formation – est le nom du bâtiment que nous venons de construire, grâce à divers partenaires publics et privés, sur le site de notre brocante La Fouine, à Plan-les-Ouates. Les travaux sont aujourd’hui complètement terminés et le projet est prêt à démarrer. Il se base sur trois axes : entrepreneurial, social et écologique.

C’est d’abord un espace de formation et d’insertion professionnelle pour les jeunes en rupture et les chômeurs de longue durée. Caritas a une longue expérience dans ces domaines et EsFor permettra d’augmenter notre potentiel de formation et d’insertion dans plusieurs métiers. Par ailleurs, le nouvel espace sera un terreau propice à l’engagement de personnes dans le cadre du projet « Cantons zéro chômeur » (lire dossier en page 4 du Caritas Mag).
Quelles sont les filières envisagées ?
La première filière, qui doit démarrer en septembre 2020, est liée aux métiers du bois. L’objectif est de développer une activité professionnelle et de créer des ponts avec des entreprises privées. La seconde filière sera celle du textile. Elle interviendra dans un second temps. Nous visons une montée en puissance progressive. D’autres hypothèses ont été évaluées, comme les métiers de l’électricité, et nous menons une vaste réflexion autour de la santé.

 

"Cette filière s’inscrit pleinement
dans la logique écoresponsable
de la seconde main."


Qu’en est-il de l’axe écologique ?
Au-delà de l’axe formation, la filière bois va directement contribuer à un projet d’« upcyclerie », c’est-à-dire de revalorisation du matériel de seconde main. Une partie importante de la marchandise qui nous est donnée n’est pas vendable en l’état. Nous souhaitons mieux revaloriser les meubles et les objets en les retapant, voire en les reconstruisant pour créer des pièces uniques. Cette filière s’inscrit pleinement dans la logique écoresponsable de la seconde main.

En parallèle, il s’agit de développer une activité économique rentable autour des métiers du bois, par exemple en proposant des services de rénovation de mobilier urbain pour des communes ou de réparation de meubles à domicile, mais aussi en participant à des chantiers de plus grande envergure.

La même réflexion a lieu avec le textile, dans le but de mieux valoriser les vêtements que nous recevons.
Quels sont les défis de la seconde main, activité historique de Caritas Genève ?
Les boutiques de Caritas existent depuis les années 1980. Leur première vocation était de proposer à des personnes en situation précaire des vêtements de qualité à moindre coût. Historiquement, la seconde main est aussi l’un des trois piliers financiers de l’institution, avec les dons privés et les subventions publiques. Aujourd’hui encore, le produit propre de nos prestations (brocante, boutiques, teinturerie, restaurant, etc.) représente la plus grande part de notre financement.
Equipe
Toutefois, depuis une dizaine d’années, nous remarquons que la qualité du matériel qui nous est donné diminue. D’autre part, avec l’hégémonie des magasins bon marché comme IKEA ou H&M, il est difficile d’être compétitif auprès d’une clientèle à faible revenu. Au fil des ans, cela s’est traduit par une diminution du chiffrre d’affaires, alors que nos charges ont augmenté. Par le passé, nos boutiques étaient uniquement tenues par des bénévoles, ce qui n’est plus possible aujourd’hui.


Comment inverser la tendance ?
Notre stratégie doit évoluer. Avec l’émergence des préoccupations écologiques, il existe un nouveau public intéressé par la seconde main, qui n’est pas forcément en situation de précarité. Nous voulons réformer nos boutiques pour attirer davantage cette clientèle et lui donner envie de participer à ce mouvement. Et ainsi permettre à Caritas de continuer de s’appuyer sur ces revenus pour financer son coeur de métier, qui est l’accompagnement social et juridique.


"Un autre axe important
est le développement
de la vente en ligne,
avec notre propre site
de vente sur internet."


Quels sont vos projets pour redynamiser ce secteur ?
Il y en a plusieurs. Nous sommes en train de mettre en place une collaboration avec la Haute Ecole d’art et de design (HEAD). Durant un semestre, des étudiants en master vont nous épauler dans le réaménagement des boutiques. Cela devrait impliquer leurs filières d’architecture d’intérieur, de mode et de communication visuelle. L’idée est de rendre nos magasins plus attractifs, tout en créant un univers propre à Caritas.

En parallèle, nous évaluons l’ouverture de nouvelles boutiques et d’une seconde brocante. Un autre axe important est le développement de la vente en ligne, avec notre propre site de vente sur internet. Nous cherchons d’autres clientèles, sans laisser de côté nos magasins traditionnels, dont la vocation va bien au-delà du chiffrre d’affaires. Ce sont des espaces de formation et d’insertion, mais aussi des lieux de sociabilisation.

Tous les projets en cours représentent une belle opportunité pour remobiliser les équipes et valoriser leur travail. Ils ne pourront aboutir que s’ils sont portés par l’ensemble des collaborateurs et des collaboratrices.