Avec le Covid-19, de nouvelles têtes sont apparues au Vestaire social

18.11.2020
Malgré le confinement, le Vestiaire social a gardé le lien avec les plus précaires. Depuis ce printemps, il vit de près les répercussions de la crise sanitaire. 
Sans surprise, la crise du Covid-19 a aussi eu des répercussions sur le Vestiaire social. Gérée conjointement par le Centre social protestant (CSP) et Caritas Genève, l’institution distribue gratuitement tout au long de l’année des vêtements aux plus précaires. Alors que les mesures sanitaires se mettaient en place à la mi-mars, le Vestiaire social a dû fermer ses portes durant deux mois, laissant toutefois la possibilité aux bénéfi ciaires de venir sur rendez-vous.

Une centaine de personnes a eu recours à ce « service minimum », dont passablement de nouvelles têtes. « Nous avons par exemple reçu beaucoup de femmes SDF qu’on ne connaissait pas », raconte Typhaine Guihard, responsable du Vestiaire social. Elle se souvient d’une personne en particulier, en quête de chaussures de marche et d’habits de pluie. « Habituée du CARÉ, lieu d’accueil de jour alors fermé, elle ne savait pas où aller et passait ses journées à marcher dans la campagne genevoise… »

D’ordinaire, les bénéficiaires viennent avec un bon délivré par un service social, public ou privé. Plus de la moitié sont inscrits à l’Hospice général. Confinement oblige, c’est un autre public qui s’est présenté spontanément à la porte du Vestiaire ou a sollicité de l’aide par téléphone, parfois dans un profond désarroi. Comme cette autre femme, dépourvue d’habits de rechange, qui a traversé la ville avec des vêtements ensanglantés pour venir, se rappelle Typhaine Guihard.

« Cette période m’a permis
de mieux connaître nos
bénéficiaires et de resserrer
les liens au niveau associatif »

« Le travail en réseau a été intense et constructif, avec l’Armée du salut, avec les centres d’hébergement collectif pour les réfugiés, mais aussi avec la caserne des Vernets, reconvertie en centre d’hébergement d’urgence, poursuit la responsable. Puis, à l’approche de la réouverture des écoles, le 27 avril, nous avons reçu beaucoup de parents en panique, qui n’avaient plus de vêtements adaptés pour leurs enfants. » Des publics assez différents qui ont trouvé au Vestiaire social, au-delà de nouveaux habits, une oreille attentive. « Cette période m’a permis de mieux connaître nos bénéficiaires et de resserrer les liens au niveau associatif », constate Typhaine Guihard.

Depuis le 11 mai, le Vestiaire social a rouvert ses portes avec une fréquentation limitée afin de respecter la distance minimale dans les rayons. Les locaux accueillent environ 20 adultes par jour, les lundis, mardis, jeudis et vendredis, alors qu’une quarantaine d’enfants viennent le mercredi, contre le double en temps normal. Beaucoup ne sont certainement pas encore revenus, par crainte du virus.

Néanmoins, la vie a repris son cours. Presque seule aux manettes durant deux mois au printemps, Typhaine Guihard a été progressivement rejointe par toute son équipe, majoritairement composée de bénévoles (environ 60 personnes) et d’une quinzaine de collaborateurs en réinsertion.

Dans les locaux du chemin du Sapey, au Grand-Lancy, une myriade de petites mains s’affairent à trier les montagnes de vêtements reçus quotidiennement, à les repasser, à les réparer parfois, avant de les mettre en rayon. Celui des femmes est plutôt bien garni, contrairement à celui des hommes. « Nous manquons toujours cruellement d’habits et de chaussures pour les hommes », souligne Typhaine Guihard, en guise d’appel aux potentiels donateurs. Pour combler les lacunes, elle achète régulièrement des fins de série ou des stocks bon marché. 

Il faut dire aussi que le débit est important. Les bons délivrés par les services sociaux permettent de venir une fois tous les 6 mois (3 mois pour les enfants). Accompagnés par un bénévole, les bénéficiaires peuvent alors choisir jusqu’à 40 pièces (20 pièces pour les hommes), en fonction des stocks, de quoi tenir la saison. En 2019, le Vestiaire social a ainsi distribué 42 tonnes de vêtements à près de 5400 bénéficiaires.
Typhaine
Typhaine Guihard, un parcours atypique Avant de prendre ses fonctions de responsable du Vestiaire social en 2017, Typhaine Guihard vivait dans un autre monde. À l’issue de ses études en commerce international, elle a travaillé durant quinze ans dans plusieurs multinationales (textile, alimentaire, pharma). Des postes à responsabilité qui l’ont conduite de sa Bretagne natale jusqu’en Suisse, à Genève, mais aussi au Mexique, durant cinq ans.

Elle passe alors son temps à optimiser, rationnaliser, restructurer, pour améliorer la rentabilité des sociétés pour lesquelles elle travaille. « Puis, on m’a demandé un jour de licencier 35 personnes de mon équipe dans le cadre d’une délocalisation en Pologne. J’ai refusé et je suis partie… »

Le début d’une nouvelle vie. Déjà intéressée par l’humanitaire et le social, Typhaine Guihard profite d’une période de chômage pour faire du bénévolat… au Vestiaire social. Suivront un stage, puis un contrat à durée déterminée et l’occasion de faire ses preuves. Lorsque l’opportunité de reprendre la direction de l’institution se présente, elle saisit sa chance.

« Cela fait trois ans et je ne regrette pas un seul instant. Aujourd’hui, à la fi n de la journée, j’ai le sentiment d’avoir fait quelque chose d’utile et j’ai vraiment trouvé un sens dans mon métier. »