Asile : "Nous avons un rôle de garde-fou"

06.01.2021
Caritas Genève oeuvre depuis mars 2019 comme Bureau de conseil juridique dans le cadre des procédures d'asile étendues. Premier bilan après un an et demi d'activité.
Depuis le 1er mars 2019, Caritas Genève est habilitée comme Bureau de conseil juridique (BCJ) dans le cadre de la nouvelle loi fédérale sur l’asile. Sur mandat du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), nos juristes assistent gratuitement les requérants d’asile en procédure étendue attribués au canton de Genève. Depuis le début du mandat et jusqu’à fi n août 2020, 88 dossiers ont été ouverts dans ce cadre, qui concernent près de 140 personnes avec les enfants. S’y ajoutent quelques cas délégués à d’autres organisations partenaires en raison de problématiques spécifi ques, comme la traite d’êtres humains.

« Les premiers mois ont été calmes, le temps que le nouveau système se mette en route », explique Catalina Mendoza, avocate responsable du Service juridique de Caritas Genève. « Il a fallu renforcer la communication à divers niveaux du réseau afi n que tous les requérants d’asile soient correctement informés de la possibilité de s’adresser gratuitement à nous. Aujourd’hui, la grande majorité des personnes en procédure étendue attribuées au canton de Genève viennent nous voir. »
Près de 30 pays d'origine À ce jour, les consultants du BCJ sont originaires d’une trentaine de pays, dont les plus représentés sont la Turquie, l’Afghanistan et l’Iran. Ils demandent l’asile de la Suisse pour diverses raisons, politiques, religieuses ou encore en lien avec leur orientation sexuelle. Parfois, leurs motifs d’asile ne sont pas jugés valables par la Confédération mais leur renvoi n’est pas exigible, en raison de la situation de leur pays ou de problèmes avérés de santé.

Caritas Genève les assiste dans toutes les étapes de la procédure étendue : représentation juridique, préparation et accompagnement lors des auditions complémentaires, rôle d’intermédiaire avec le corps médical lorsque des examens sont nécessaires, etc. « Nous avons un rôle de garde-fou et notre simple présence aux auditions a un effet sur les collaborateurs du SEM, poursuit Catalina Mendoza. Ils sont désormais soumis à un regard, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. Nous devons nous assurer que tout se passe au mieux et que la personne puisse faire valoir ses arguments. »
Le mandat et au-delà Pour ce travail, Caritas Genève touche un forfait de 430 fr. par requérant attribué au canton. Toutefois, certaines étapes indispensables au bon suivi du dossier ne sont pas couvertes par le mandat. C’est le cas du premier entretien, nécessaire pour créer un lien de confi ance et comprendre le parcours du requérant. « C’est difficile pour eux car ils doivent à nouveau raconter leur histoire, illustre la responsable. De notre côté, nous devons prendre connaissance du dossier sans avoir assisté à la première phase de la procédure. Une partie du travail est forcément faite à double. »

 

"Lorsque l’on défend quelqu’un,
il y a presque une obligation morale
de faire recours si la décision
nous semble injuste."


La nouvelle organisation de l’asile est ainsi faite. La procédure démarre dans un des six centres fédéraux – dont un seul en Suisse romande, à Boudry (NE). Le demandeur est alors assisté par un premier représentant juridique. Pour les cas que l’autorité considère clairs, elle rend une décision dans le centre fédéral dans un délai de 140 jours maximum. Dans les cas complexes, qui nécessitent des instructions supplémentaires, les requérants sont attribués aux cantons dans le cadre d’une procédure dite étendue. Ils changent alors de représentant juridique et c’est là que démarre le mandat de Caritas Genève.
Des recours nécessaires À l’autre extrémité de la procédure, le rôle de l’institution s’étend aussi souvent au-delà du mandat fi xé par la Confédération, lorsqu’un recours est déposé. En cas de décision négative du SEM, le requérant peut en effet la contester devant le Tribunal administratif fédéral. À ce jour, plus d’une quinzaine de recours ont été déposés par Caritas Genève. « Lorsque l’on défend quelqu’un, il y a presque une obligation morale de faire recours si la décision nous semble injuste », avance Catalina Mendoza. En l’occurrence, son rôle a été plus d’une fois décisif devant les tribunaux. Le mandat BCJ court jusqu’au 28 février 2021 et sera vraisemblablement reconduit. La charge de travail est importante et peut fl uctuer selon les périodes. Le SEM transmet en effet ses prévisions sur le nombre de requérants d’asile attribués à chaque canton de trois mois en trois mois. Afi n de mener ce mandat dans les meilleures conditions et sans affecter le bon fonctionnement du Service juridique, l’équipe va être renforcée dès janvier 2021.
 
Texte: Mario Togni
Article paru dans le Caritas Mag No 22 - octobre 2020, pp.16-17